Tribune
Les Echos

Cryptos : « Une cellule de régularisation fiscale est nécessaire »

Stéphanie Némarq-Attias
Founding partner at QOMIT
Claire Maisonneuve

Des milliers de détenteurs de cryptoactifs se trouvent aujourd’hui en situation d’irrégularité fiscale. Et pourtant, peu d’entre eux sont des fraudeurs. Loin d’une volonté d’échapper à l’impôt, cette situation résulte trop souvent de la complexité des règles, du manque d'information et de l’instabilité législative. 

 

Depuis plusieurs années, les obligations fiscales pesant sur les utilisateurs de cryptoactifs se sont multipliées, tant au niveau national qu’européen.

Pourtant, cette évolution n’a pas été accompagnée d’une politique d’information adaptée. De nombreux contribuables découvrent trop tard qu’ils étaient tenus de déclarer cessions, comptes ou gains en cryptoactifs. Et lorsqu’ils souhaitent se mettre en conformité, ils se heurtent à une fiscalité complexe : le calcul des plus-values sur actifs numériques, distinct de celui des valeurs mobilières classiques, reste difficile à maîtriser, même pour des professionnels aguerris.À cela s’ajoute une instabilité réglementaire qui ne fait qu’accentuer la confusion.   

 

Ce décalage croissant entre normes et compréhension produit un effet pervers : de nombreux contribuables se retrouvent en irrégularité sans même le savoir. Ilest donc urgent d’apporter une réponse adaptée à cette situation, et non de sanctionner indistinctement.  

 

Un précédent montre la voie. En 2013, face à l’ampleur des avoirs non déclarés à l’étranger, le gouvernement a instauré un dispositif de régularisation spontanée : le Service de Traitement des Déclarations Rectificatives (STDR).Fondé sur la coopération et la bonne foi, ce mécanisme a permis à plus de 50000 contribuables de régulariser leur situation, tout en générant plus de 8milliards d’euros de recettes fiscales. La logique était simple : encourager une démarche volontaire, minimiser les sanctions et restaurer la confiance.  

 

Aujourd’hui, les cryptoactifs appellent une réponse comparable. Comme en 2013, l’administration peine à exercer un contrôle efficace. Les contribuables de bonne foi, souvent désorientés, ne savent pas vers qui se tourner. Par ailleurs, les outils d’échange automatique d’informations se renforcent : la directive européenne DAC 8, transposée en droit français et applicable dès le1er janvier 2026, imposera aux plateformes d’échange d’actifs numériques de transmettre des données détaillées au fisc. De plus, les échanges de données entre les autorités fiscales des États permettront à l’administration de mieux identifier les situations non conformes afin d’exercer son pourvoir de contrôle.Tout est réuni pour mettre en place une politique de régularisation ciblée, intelligente et responsable. 

 

Une cellule de régularisation fiscale temporaire dédiée aux cryptoactifs, dans l’esprit du droit à l’erreur, offrirait aux contribuables la possibilité de régulariser spontanément leurs revenus passés, sans encourir de pénalités excessives, tout en bénéficiant d’un accompagnement par des agents formés à la fiscalité numérique.  

 

La cellule de régularisation s’inscrirait ainsi dans une logique gagnant-gagnant pour tous les acteurs, tant pour le passé que pour l’avenir. 

 

Pour l’État, c’est l’assurance de recouvrer des recettes significatives, de réduire les contrôles et les contentieux coûteux, et surtout de renforcer l’expertise interne sur un sujet devenu central.  

 

Pour les contribuables, c’est une sécurité juridique retrouvée pour un coût fiscal modéré, ainsi qu’une clarification attendue des règles fiscales applicables à leurs gains.  

 

Pour la société, c’est une égalité restaurée : entre ceux qui investissent dans des actifs traditionnels et ceux dans les cryptoactifs, entre les contribuables informés et ceux qui n’ont pas accès à un conseil expert. 

 

L’environnement fiscal des cryptos en sortirait nécessairement assaini et clarifié. 

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