Tribune
Les Echos

Quitter la France avec ses cryptoactifs : quels risques fiscaux

Stéphanie Némarq-Attias
Founding partner at QOMIT

Face au renforcement des obligations qui entourent le secteur des cryptos, une question se pose pour leurs détenteurs : quitter la France est-il une stratégie viable ? Et surtout, quelles en seraient les répercussions fiscales ? L'avocate Stéphanie Némarq-Attias donne sa réponse.

 

Lorsqu'un particulier quitte la France, la législation prévoit une exit tax qui ne vise, pour l'instant, pas les actifs numériques.

 

Pour les détenteurs de cryptomonnaies, l'évolution du cadre législatif en France est source d'inquiétudes. Le Projet de Loi de finances pour 2025 prévoit un renforcement des obligations de transparence imposées aux prestataires de services sur cryptoactifs (PSCA), tels que les plateformes d'échange, afin de se conformer aux directives européennes. Dès 2026, ils devront déclarer à l'administration fiscale française l'intégralité des transactions réalisées, les comptes utilisés, ainsi que l'identité des détenteurs de cryptomonnaies. Ces nouvelles obligations heurtent les principes fondateurs de la finance décentralisée, tels que l'anonymat et la liberté de mouvement des capitaux.

 

En parallèle, le fisc dispose désormais d'outils sophistiqués, tels que le data mining, pour renforcer ses contrôles et sanctionner l'absence de déclaration des gains ou des comptes détenus sur plateformes étrangères. Enfin, la perspective d'une surtaxe sur les hauts revenus , à défaut de la suppression tant redoutée de la flat tax, préoccupe.

 

Face à cet état des lieux, une question légitime se pose pour les détenteurs de cryptoactifs : quitter la France est-il une stratégie viable ? Et surtout, quelles en seraient les répercussions fiscales ?

 

Quitter la France

 

Lorsqu'un particulier quitte la France, la législation prévoit depuis 2011 une exit tax. Ce dispositif soumet à l'impôt les plus-values non réalisées sur des valeurs mobilières, telles que les actions ou obligations. Il vise les actionnaires majoritaires ou ceux dont les actifs dépassent 800.000 euros. Un sursis de paiement peut toutefois être accordé, automatiquement ou sur demande, à condition de fournir des garanties financières suffisantes.

 

Mais qu'en est-il des cryptomonnaies ? À ce jour, les actifs numériques ne sont pas explicitement visés par les textes sur l' exit tax. En 2019, le Sénat a confirmé que les gains latents suractifs numériques n'entraient pas dans le champ d'application de cette taxe.

Pour les détenteurs de bitcoins et autres cryptomonnaies, cela signifie qu'ils peuvent, pour l'instant, quitter la France sans être taxés sur la valeur de leurs actifs numériques.

 

Le spectre d'une exit tax étendue aux cryptos

 

Avec l'essor des cryptoactifs et l'implication croissante des acteurs institutionnels, il n'est pas exclu que les pouvoirs publics envisagent une réforme de l'exit tax. Les cryptomonnaies représentent en effet un gisement fiscal non négligeable pour un Etat en quête de nouvelles recettes.

 

Toutefois, cette extension poserait des questions pratiques majeures. Contrairement aux actions, il n'existe pas de registre centralisé des cryptoactifs, ce qui rend leur suivi complexe. De plus, la constitution de garanties financières pour bénéficier d'un sursis de paiement est plus difficile avec des actifs aussi volatils et souvent conservés sur des cold wallets, des dispositifs de stockage hors ligne non répertoriés.

 

Avec l'essor des cryptoactifs et l'implication croissante des acteurs institutionnels, il n'est pas exclu que les pouvoirs publics envisagent une réforme de l'exit tax.

 

Anticiper son expatriation

 

Pour les investisseurs en cryptomonnaies, la tentation de transférer leur résidence fiscale hors de France peut sembler une solution à court terme face aux incertitudes légales.

 

Cependant, il est crucial de bien comprendre les règles qui encadrent ce transfert. Contrairement à une idée trop répandue, la France ne se contente pas de comptabiliser 183 jours de présence sur le territoire pour déterminer la résidence fiscale d'un contribuable. Elle applique des critères plus complexes, tels que le foyer ou les intérêts économiques, qui doivent être localisés principalement dans le pays de destination.

 

De plus, il ne faut pas négliger les implications personnelles d'un tel choix pour toute la famille, ainsi que ses conséquences juridiques en termes de gestion patrimoniale et de succession. Une expatriation mal planifiée, sans l'analyse des conventions fiscales bilatérales, risque d'entraîner des redressements fiscaux significatifs. Faire appel à une experte s'avère donc incontournable.

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